CANTELOUP

Dans les coulisses du Canteloup circus

Dans les coulisses du Canteloup circus 

Nicolas Canteloup, l’imitateur préféré des Français, étrille chaque jour sur Europe 1 et TF1 le petit monde du show-biz et des politiques. Reportage.

 Le 17 septembre, 7h45, dans un studio au rez-de-chaussée d’Europe 1 : Nicolas Canteloup, Stan Smith, pull gris, et ses auteurs – Philippe Caverivière et Laurent Vassilian – mettent la touche finale à leur “Revue de presque”. Canteloup s’éclipse pour son teaser avec Thomas Sotto, anchorman de la matinale, où il traitera Jean-Pierre Elkabbach de “biker de l’info”. Cinq minutes plus tard, il redescend, hilare. Elkabbach vient de lui glisser à l’oreille : “C’est quoi un biker ?”

A 8h42, l’imitateur s’installe au micro. La régie prend aussitôt des allures d’”Une nuit à l’opéra”, film où les Marx Brothers s’entassent dans une cabine de paquebot. Entre deux running gags sur Raphaël Enthoven, “le Neil Armstrong de la philosophie”, et le chroniqueur économique Nicolas Barré, sa tête de Turc favorite, Canteloup se met dans la peau de Guillaume Durand pour évoquer Guy Béart, décédé la veille (“Il sort un nouvel album ? Ah, il est mort ? Il va y avoir des compiles, c’est bien ce que je dis”) et prend la voix d’Aznavour pour revisiter “Alexandrie Alexandra” avec, pour refrain, “Bachar al-Assad/al-Assad”.

La bande, public ô combien acquis, composée de Julie, Thomas Sotto, Laurent Cabrol, Caroline Roux, Natacha Polony et Jean-Marc Morandini, se gondole. “Leur rire est communicatif, commente l’humoriste, il me légitime.” Les auteurs confirment :

Quand l’un d’eux manque à l’appel, c’est 15 % du public qui fout le camp. La formule magique de “la Revue de presque” est là. Mixer le rire chic de Caroline Roux ou de Natacha Polony à celui, plus populaire, de Morandini.”

Obsessionnel, voire chiant

Depuis le 5 octobre, date du retour de “C’est Canteloup” sur TF1 avec Nikos Aliagas, le pack, qui fourbit dix-sept minutes de blagues quotidiennes, a des journées serrées : le matin rue François-Ier, l’après-midi à Boulogne, siège de la chaîne, où l’imitateur pose ses voix sur les magnétos programmés le soir. La presse a déjà beaucoup suivi ce “Canteloup Tour”, qui permet au principal intéressé d’éviter de se mettre en avant. “Nicolas est quelqu’un d’humble, loue un de ses auteurs, il ne se vit pas comme plus intéressant que ça. Il a beau “blinder” l’Olympia, il redécouvre chaque jour son job.

Profondément “normal”, il n’a jamais été plus heureux que lorsqu’il s’est aperçu, sur la tournée des Enfoirés, que Jean-Jacques Goldman portait la même montre que lui. Une Decathlon à 9 euros.” “Un peu lunaire, il se considère comme un artisan, confirme son producteur Jean- Marc Dumontet. Il lui arrive tout de même d’être obsessionnel, voire chiant. Avec lui, un truc insignifiant va, pendant trois jours, devenir une usine à gaz.” “Etre surexposé, multidiffusé, mis sur un piédestal n’est pas naturel”, assure, de son côté, l’imitateur qui se définit comme laborieux et déteste le “je”.

Le clan Canteloup revient de loin. “J’ai rencontré Nicolas au Club Med où il occupait la fonction de chef des sports, dit Philippe Caverivière. On est partis de spectacles en masques et tubas devant trois Allemands en vacances. Autant dire de zéro.” “Philippe a dégainé “la” vanne de la semaine : “l’après-garde”, pour décrire la position de la France face à Merkel sur la question des migrants”, corrige le sniper Laurent Vassilian. Auteur aux Guignols de l’Info (Canal+) période Bruno Gaccio – où Canteloup fera des voix pendant dix-sept ans –, Vassilian a vu l’imitateur poireauter dans les couloirs de la chaîne : “Il nous soumettait les textes qu’il commençait à gratter.” Jean-Marc Dumontet, enfin, organisait des conventions d’entreprise dans la région bordelaise. “Né à Mérignac, Nicolas intervenait à la fin de certaines de ces conventions pour parodier les intervenants.”

A l’époque – celle du fax –, le producteur lui demande de lui envoyer un texte par jour, puis loue le Théâtre Trévise à Paris pour le produire : un four. Il remet le couvert à l’Olympia en vendant 1 200 places à des comités d’entreprise. Drucker se déplace. Et met l’humoriste sur orbite dans “Vivement dimanche prochain”. Dumontet poursuit :

En 2005, Jean-Pierre Elkabbach nous faisait la danse du ventre pour l’avoir sur Europe et, six ans plus tard, TF1 l’appelait.On nous prévenait : “Vous n’aurez pas toute latitude.” Je suis allé voir Paolini, le patron de la chaîne, pour lui demander : “Nonce, on est bien d’accord ? On peut y aller ?””

Un Canteloup jugé plus “gras” et moins mordant

La chaîne tousse pourtant quand, en 2012, Canteloup et Dumontet insistent pour intervenir juste après la déclaration de candidature de Nicolas Sarkozy sur TF1 : “Nonce me répétait : “Impossible, depuis un mois, nous faisons tout pour que Sarkozy vienne, raconte Dumontet. Nous avons le sens de l’hospitalité.” Avec Philippe Balland, directeur délégué de la chaîne, nous avons tellement insisté que Paolini a fini par me dire : “Bon, si vous promettez d’être corrects et impartiaux.” A 21 heures, nous prenions l’antenne juste après Laurence Ferrari.” “Mettre en place un humoriste comme moi à ce moment-là était assez gonflé, estime Nicolas Canteloup. Martin Bouygues était proche de Sarko et il savait très bien que j’allais cogner sur le pouvoir. Mais il m’a laissé les mains libres.”

Ce passage sur TF1, ponctué de bras de fer quand la team s’en prend aux séries maison, va pourtant se révéler à double tranchant. Et, pour certains, brouiller l’image d’un Canteloup jugé plus “gras” et moins mordant : “A Europe, je touchais les CSP+, tout à coup, je me retrouvais sur un media plus grand public et moins convivial, reconnaît-il. Y ai-je perdu en finesse ? Je l’ignore.” “Si, le matin, les auditeurs prennent le temps d’écouter, à TF1, où tout est question de rythme, c’est plus difficile, expliquent Philippe Caverivière et Laurent Vassilian. Est-ce que nous nous autocensurons en choisissant des vannes plus calibrées ? On ne fait pas rire un Thomas Sotto qui baigne dans l’actu comme un public venu un peu par hasard. Ce matin, sur Europe, Canteloup, avec la voix de Durand, relayait la rumeur selon laquelle Vincent Bolloré s’intéressait à la station, mais tout le monde avait l’info autour de la table. Il faut que les vannes soient tombées dans le domaine public pour qu’elles fonctionnent, qu’elles commencent à naître dans l’esprit des gens, qu’elles soient déjà un peu dans l’air du temps.”

Un auteur doit être anar

A l’heure où Les Guignols, priés de se recentrer sur les Beyoncé et autres Kardashian plutôt que sur la politique française, s’annoncent moins attractifs, Nicolas Canteloup, qui les a soutenus publiquement, est-il l’objet de plus d’attente ? “Oui, estime Jean-Marc Dumontet, grand lecteur du “Monde”, qui se revendique comme un garant de la ligne éditoriale. Pas d’eau tiède.” Le producteur se soucie des angles et le clame haut et fort : “Strauss-Kahn devenait graveleux. J’ai beaucoup plaidé pour que nous traitions Anne Hidalgo non pas comme le pantin de Bertrand Delanoë mais comme une frondeuse, pour que Hollande devienne un conquérant naïf et pour que Juppé ne passe pas pour une victime du système Chirac, il a été condamné en 2004, il est dedans.”

L’équilibre politique ? “Je n’aime ni la droite ni la gauche, insiste Laurent Vassilian. Un auteur doit être anar.” Nicolas Canteloup, fan de l’humoriste et acteur suisse Bernard Haller, de Thierry Le Luron plutôt que de Desproges et du “Petit Journal” de Canal, prend bien soin de ne pas être trop “cataloguable”. “Certains artistes se revendiquent d’un bord, mon tempérament réservé me pousse juste à ne pas me montrer segmentant. Je travaille sur une station commerciale qui vit de la pub, mais je ne ressens aucune pression. Du moment que c’est imparable, j’y vais. Et si la cible déglutit, tant pis.” Arnaud Montebourg (“l’Habitat Montebourg”), Fleur Pellerin, Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen (flanquée de son père devenu migrant dans sa propre famille) ou François Hollande…
Canteloup analyse :

Lorsque je les croise dans le studio d’Europe 1, ils font les détendus mais ils ne sont pas à l’aise. Les politiques sont des prédateurs. Prétendre qu’ils me trouvent amusant leur donne une image de recul et de grandeurQuand ses victimes, comme Jean-Jacques Bourdin, l’animateur de “Bourdin Direct” au même moment sur RMC, veulent lui en coller une, Canteloup en remet une couche dès le lendemain. “On essaie d’être malins, on fait de l’aïkido”, dit-il. “En général, on nous révèle qu’untel s’est plaint six mois après, précise Laurent Vassilian. Les politiques ne nous connaissent pas. Il y a une grande lâcheté chez l’auteur. C’est Nicolas qui est en première ligne.”

 

CANTELOUP EN CHIFFRES

“La Revue de presque” attire 1 475 000 auditeurs chaque matin, soit 38 000 de plus en un an. Depuis la rentrée, elle enregistre 2,8 millions de téléchargements en moyenne par mois cette saison, soit + 5 % par rapport à la même période la saison passée. “C’est Canteloup” fédère 7,4 millions de téléspectateurs chaque jour et a franchi l’an dernier la barre des 9 millions.

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